Il était une nuit...
Il est 21 heures, je suis en chirurgie, j’entame
ma première nuit de travail dans un service. J’ai entendu dire que la nuit, il
se passe plein de choses : des gens pleurent, certains ont peur, et quelques
uns meurent …
Les transmissions sont terminées, l’hyperactivité
de la journée se calme, tout devient plus paisible : aucun médecins, zéro
familles… Il ne reste plus que trois infirmières, deux aides soignantes et 52
patients. Ils sont tous potentiellement capable de faire un malaise, une hémorragie,
une infection grave…
Une heure plus tard, avec l’infirmière et notre « armoire sur roulettes », nous commençons « le tour » des chambres. Nous arrivons à la 18ème chambre. Chambre de Mme M, opérée il y a 2 jours d’une PTH (prothèse totale de hanche) sous anesthésie générale. Tous les soirs, nous devons lui injecter un antibiotique.
J’entre doucement en chuchotant un petit
« Bonsoir Madame ».
Je suis tout fier avec ma grosse seringue d’antibiotique
que je dois injecter dans la perfusion, c’est moi qui a la plus grosse
seringue !
- « Mais qui êtes vous ???? Vous êtes fous ! Mais vous êtes fous ! »
Je vois que quelque chose ne va pas… Mme M est
anormalement agitée, elle parait stupéfaite et la peur se lit sur ses rides. Sur
ma feuille de transmission, je peux lire que Mme M commence à être agitée.
- « Mme
M, je dois faire passer l’antibiotique dans la perfusion. Vous savez comme hier
soir ? »
- « Mais
non, mais non ! Ca vous arrive souvent de venir chez les gens en pleine
nuit comme ça !? Sans sonner !? De les réveiller !? »
Je comprends qu’elle est complètement perdue,
elle n’est pas cohérente et désorientée. Marina, l’infirmière de nuit essaye de
la rassurer :
- « Mme
M, vous êtes à l’hôpital, nous sommes les infirmiers qui s’occupe de vous, on
prend le relais de nos collègues… »
- « Mais
non ! Vous êtes des faux infirmiers ! Vous vous êtes infiltrés pour
me tuer ! Haaaaaaaaaaaa ! »
- « Mme
M, non, nous ne voulons pas vous tuer, nous voulons juste vous donner votre
traitement pour allez mieux. »
- « Allez-y, tuez-moi et demain vous verrez
dans le journal : GERMAINE MORTE A L’ HOPITAL ! Haaaaaaaaaaaaaa !
Au secooOooouuurs !! Au secoOooooOouurs !! ».
Je finis d’injecter, Mme M tape sur son lit
avec ses petits points tout fripés par l’âge… Ses pupilles sont dilatées, ses
globes oculaires ronds comme la pleine lune, les cheveux frisées en pagailles…
Vision d’un vieux film d’horreur américain des années 60.
- « Voilà
j’ai fini, vous voyez vous n’êtes pas morte ! Tout va bien. »
- « Oh
là là, jeune homme, vouuuuuuuus qui êtes si beau… Vouuuuuuuuus qui êtes si
mignon… »
- « Oui,
merci Mme M. »
- « Mais
attention ! Mon poing dans la figure !!! »
Je sors désarmé de la chambre. L’infirmière
m’explique que Mme M fait une réaction à l’anesthésie ; ses enfants ont
prévenu l’hôpital car c’était une habitude chez elle. Ils trouvaient d’ailleurs
cela très drôle…
Mme M, le lendemain soir est hallucinée +++,
contention physique, injection de neuroleptique, 6 infirmiers pour la contenir,
40 minutes passées dans la chambre…
En effet, c’était très drôle.